Apprendre à surmonter les conflits interpersonnels

Ne réagissez pas à chaud et ne laissez pas le malentendu s’éterniser.
N’aggravez pas le conflit en sabotant le travail des autres.
On peut prévenir les conflits en travaillant son style de communication interpersonnelle.
 
 
 

Combien de fois n’a-t-on pas subi la colère d’un patron, une critique déplacée d’un collaborateur, la jalousie ou la bouderie d’un collègue ? Quel que soit le degré d’organisation d’une entreprise, aussi poussées que soient les procédures, personne ne peut échapper à de tels problèmes dans l’entreprise tout simplement parce que les personnalités sont différentes et les motivations des uns et des autres parfois divergentes. Bref, comme dans tout corps social, les conflits sont inévitables. Parfois, ils sont même nécessaires pour donner une nouvelle impulsion à un projet ou inciter à une redéfinition du rôle des uns et des autres, plus en phase avec les besoins de l’entreprise.
Tant que les problèmes sont circonscrits dans le temps, il n’y a donc rien à redire. En revanche, il y a danger si les causes qui sont à la base des conflits sont profondes. On peut citer, entre autres, des divergences aiguës entre collègues, des difficultés structurelles de communication entre la hiérarchie et la base ou une guerre des chefs au sein du top management. Quand cela arrive, un seul mot d’ordre, «survivre avant tout», et le réflexe primaire qui en découle est de se protéger. Autrement dit, l’instinct de conservation l’emporte sur tout le reste et c’est naturellement l’entreprise qui, faute d’initiative ou en raison d’un sabotage délibéré, en pâtit, sachant que même si l’on n’est pas directement concerné, on peut à tout moment subir des dégâts collatéraux. Que faire par exemple quand deux collègues proches sont incapables de s’entendre et qu’ils retardent votre travail ? Comment agir quand des ordres et des contre-ordres émanent d’un management en conflit ouvert ? Quelles attitudes adopter dans une entreprise où toute décision de changement crée automatiquement une fracture ?

Eviter de personnaliser le conflit

«Effectivement, dans ce genre de situations, la solution peut paraître difficile parce que l’on ne maîtrise pas tous les paramètres», explique un consultant en ressources humaines. Pour lui, «l’une des plus sûres échappatoires est de garder ses distances tout en essayant de contribuer au dégel si on est sollicité». Dans ce cas, il est utile d’analyser, avant d’agir, la nature du conflit : est-il cognitif, c’est-à-dire tourne-t-il autour d’idées qui divergent, ou a-t-il des origines subjectives ?
Il faut aussi agir avec le même discernement quand on est directement concerné et considérer que le repli sur soi est la pire des choses sauf si, dès les premières escarmouches, on choisit d’opter pour la solution extrême en brandissant sa lettre de démission. Parfois, cela fonctionne. Amine B., cadre dans une multinationale, a eu recours à la démission pour ramener à la raison un patron dont les sautes d’humeur étaient devenues insupportables. Mais ce choix n’est malheureusement pas efficace à tous les coups et peut se retourner contre vous si vous n’aviez pas vraiment envie de quitter l’entreprise.

N’évoquez que des faits concrets
De manière globale, et à moins que les raisons ne soient personnelles et insurmontables, dans un conflit, il convient toujours de ne pas réagir à chaud. Plus encore, «il est utile de s’assurer qu’on respecte soi-même les règles de convenance», explique Ahmed Al Motamassik, sociologue. Si ce n’est pas le cas, il est inutile de s’attaquer aux autres, sauf si l’on désire vraiment créer un conflit ouvert. Autre comportement à éviter : saboter le travail de l’autre ou de ne pas tenir ses engagements parce que l’on est en froid avec lui. Ceci ne peut qu’aggraver le problème initial. Résultat, alors qu’il y a souvent un malentendu d’ordre professionnel à la base du conflit, ce dernier se transforme en règlement de comptes et tout le monde y perd.
Une fois cette question personnelle réglée, on doit avoir le courage de s’attaquer au problème de front, sans aucune agressivité. On vous accuse d’être à l’origine de telle situation ? Parlez-en ouvertement avec les concernés. Votre patron vous agresse inutilement ? Prenez votre courage à deux mains pour lui demander poliment ce qui ne va pas. En clair, «il vaut mieux crever l’abcès très tôt pour éviter la dégradation de la situation», conseille Stéphanie David, consultante à l’Institut des ressources humaines (IRH)
Dans tous les cas, «il est important de s’appuyer sur des faits pour expliquer votre position», souligne Abdelaziz Sefrioui, cadre RH dans une entreprise de services informatiques. De même, «il faut rester ferme sans être blessant car certains comportements sont parfois dictés par une mauvaise conjoncture ou découlent d’une incompréhension», ajoute-t-il.
Quoi qu’il en soit, la prévention reste la meilleure solution pour éviter le stress négatif ou la démotivation générés par un conflit. Il semble que l’on commence à le comprendre. Selon Stéphanie David, «les séminaires de communication interpersonnelle destinés à circonscrire les problèmes d’agressivité ou d’incompréhension au sein d’un environnement de travail sont maintenant très répandus». Certaines entreprises élaborent aussi des chartes de valeurs, un référentiel commun devant être respecté par tous, quel que soit le niveau hiérarchique. C’est un dispositif visant, entre autres, à décourager le harcèlement moral que ce soit dans le cadre d’un lien d’autorité ou entre collègues. En se pliant à ce code de conduite, il n’est pas sûr que l’on soit à l’abri des problèmes, mais on peut essayer de se maintenir au-dessus de la mêlée.


Que faire quand il s’agit du patron ?

Aller droit au fait ? C’est bien, mais que faire quand il s’agit de votre patron ? En effet, la dimension hiérarchique complique la résolution du conflit. Le rapport de force étant en faveur du patron, il est difficile de lui dire ses quatre vérités en face, quand bien même il s’agirait de reproches strictement professionnels. A l’opposé, ce dernier aura toute latitude pour exposer ses griefs. Comment faire alors ?
En fait cela dépend du patron. Si ce dernier a confiance en lui-même et accepte régulièrement les remarques, vous pouvez y aller franco en y mettant les formes. Une limite à ne pas atteindre : la remise en cause de son aptitude à exercer sa fonction.
Si votre patron est de ceux qui n’acceptent pas les critiques, choisissez la voie détournée.
Pour Essaïd Bellal, DG du Cabinet Diorh, «on peut faire à son patron des reproches en recourant à l’humour. Pour cela, on peut expliquer le problème à un collègue qui soit assez proche de lui. On peut encore recourir au commentaire très général en s’arrangeant pour que le patron en déduise lui-même ce que l’on aurait aimé lui dire sans détours». Bref, il s’agit tout simplement de ménager la susceptibilité du patron.
Quel conseil donner au patron alors ? «Un patron intelligent doit mettre en place un système pour faire remonter l’information le concernant. Cela lui évite d’être en porte-à-faux, ajoute M. Bellal. Il peut aussi faire régulièrement des enquêtes de climat social ou instaurer l’évaluation à 360°, qui permet à tout le monde de juger tout le monde»