«Le double enjeu contenant-contenu »

Communication en ligne

A daté d’aujourd’hui, établir une stratégie de communication en ligne devient une nécessité pour les Annonceurs. Et ce, à la vue des différents leviers de création de valeur apportés par le canal internet tels que le rapport énergie/vitesse, la capacité à transcender les contraintes géographiques et temporelles, la possibilité de pouvoir adresser un message ciblé à une communauté d’utilisateurs prédéfinie, pour ne citer que ceux-là…

Pour autant, afin de convaincre les internautes, il est primordial de s’interroger, en amont, sur la nécessaire pertinence des contenus à diffuser ; avant de chercher à déployer les contenants afférents. Houssine SAF, Directeur général de Multimédia Content Network nous fait bénéficier de son retour d’expérience à ce sujet.

Houssine Saf
Directeur général de Multimédia Content Network

BIO EXPRESS
Académique
• Directeur général - Multimedia Content Network (MCN www.mcn.ma)
• Journaliste professionnel à l’Agence Maghreb arabe presse
• Chargé de mission au Cabinet du Ministre de l’Information
• Chef de la division de la Communication et de la presse internationale (ministère de la Communication). 
Formation
• Licence en Droit et Sciences politiques
• Certificat d ’Études supérieures (Sciences politiques.)
• Certificat d’Études supérieures (Relations  Internationales)
• D.E.S  en  Sciences de l'Information

Quels sont les tenants et aboutissants de cette recherche du point d’équilibre entre le contenant et le contenu numériques ?
Au courant de la dernière décennie, les annonceurs ont principalement investi dans l’acquisition d’outils relatifs à la production de contenu. En ce sens où l’entrée dans l’ère du numérique reposait principalement dans l’investissement en infrastructures technologiques de communication. Nous avons, en quelque sorte, embelli le contenant avant de nous intéresser à la pertinence et l’adéquation du contenu qui devait y transiter.
Hors à date d’aujourd’hui, ces mêmes annonceurs se posent diverses interrogations, afin de justifier leur retour sur investissement vis-à-vis des différents canaux de communication numériques. Et ce, notamment pour ce qui relève de la « délivrabilité » du message ; surtout lorsqu’il s’agit d’analyser l’écart entre la valeur perçue de ce contenu par le lecteur par rapport à la valeur réelle que l’on souhaiterait lui faire porter.
Nous prenons donc conscience que le capital erreur provient principalement du manque d’adéquation et de  pertinence du contenu multimédia à partager, sans avoir pris en compte les spécificités ergonomiques du contenant.
Pour ce faire, l’investissement initial doit d’abord être orienté en amont sur la spécification du contenu que l’on souhaite partager (texte, image, vidéo, son), en termes de format, de densité, de style littéraire. Et ce, en connaissance de cause des caractéristiques de chaque média numérique. 
Il s’avère donc primordial de disposer en interne, non plus d’un rédacteur web, mais tout aussi de ce même profil ayant la capacité à différencier les contenus en fonction des typologies de cibles qui sont adressées, à savoir un Community Manager. La rédaction éditoriale en ligne passe ainsi du stade d’alimentation d’une console d’administration de contenu à celui de paramétrage de ce contenu, avant d’effectuer sa diffusion.

Où réside donc l’innovation au niveau de cette prise de conscience ?
Sur ce sujet, l’innovation n’est plus technologique. Elle réside principalement dans la refonte du système de production journalistique. L’objectif recherché, sur le plan corollaire dans une économie de marché globale, étant de pouvoir assurer à terme la monétisation de ce contenu. L’enjeu n’est donc plus dual, mais trivial : assurer un équilibre entre le contenu, le contenant et l’atteinte des objectifs qualitatifs et quantitatifs recherchés par l’annonceur. Pour simple exemple, un contenu numérique à forte valeur ajoutée n’est pas forcément représenté par un contenu dense, mais plutôt par un contenu synthétique et pertinent permettant de prendre rapidement une décision, une prise de position ou un avis. Et ce, tant sur le plan de l’accroche que sur celui de son paragraphe de description. L’information diffusée sur les canaux numériques doit donc être intelligente et digeste pour accompagner le lecteur sur le plan opérationnel. De ce fait, l’innovation repose sur l’opérationnalité de l’information, un « short message » qui permet de porter en lui à la fois le signifié et le signifiant de manière concise, si je peux m’exprimer ainsi.

En synthèse, quelle est donc la différence subtile à établir entre un contenu diffusé sur les canaux de communication classique et celui diffusé sur les canaux numériques ?
Dans le cadre de la communication classique, le contenu doit répondre aux 5W : Who ?, When ?, Where ? Why ? How ? Lorsqu’il s’agit de passer sur les canaux numériques, la synthèse est de mise, avec le double défi de communiquer une information de base accompagnée d’un commentaire analytique. Sur le champ du numérique, seuls 3 W doivent être mis en œuvre : Who ? When ? Where ? (ici l’information de base). Ensuite si le lecteur numérique souhaite en savoir plus, alors le second niveau de lecture lui permet de lui apporter le Why ? And How ? (ici, le commentaire analytique).
Il suffit de voir les annonceurs qui arrivent à générer une relation forte et fréquente avec leurs lecteurs cibles numériques sur les réseaux sociaux, pour comprendre que c’est l’approche la plus idoine et la plus adaptée à toutes les parties prenantes (annonceurs, éditeurs de contenu, lecteurs numériques).

A la vue de cette analyse, quelles recommandations pratiques pouvez-vous donner aux annonceurs à la recherche de ce point d’équilibre trivial ?
Pour ce faire, j’apporterais une réponse à la question suivante ; à savoir : «  Comment développer un contenu à forte valeur ajoutée et monétisable à terme ? » Je précise sur ce point que lorsque je cite le terme monétisable, je souhaite plutôt parler de contribution au développement au sens large. La réponse est pourtant  simple: il faut développer du contenu local qui réponde à des attentes locales, afin de capter l’audience la plus large. De nombreux internautes marocains vont chercher du contenu à l’étranger par manque de contenu attractif sur le plan local. Si nous en faisons de même, nous pourrons alors inverser la courbe de consommation de production numérique au niveau national, en nous permettant même de pouvoir commercialiser ce même contenu au-delà de nos frontières. Cette vision s’apparente un peu, si je peux me permettre à la fameuse boutade de la quête des pépites d’or au Far West : «  Les personnes qui se sont enrichies ne sont pas celles qui sont allées, par millions, à la quête des fameuses pépites d’or ; mais plutôt celles qui ont vendu les pelles, les chariots et les chevaux nécessaires à cette quête ». Il en est de même sur le plan de la production numérique. Il faut cesser d’investir sur les outils technologiques (contenant), mais plutôt sur l’information (le contenu). Un blog disposant d’un contenu spécifié en fonction des attentes locales, tant sur le plan du mode de lecture que sur le niveau d’information, a plus de chance de se positionner sur la carte internationale du contenu numérique par rapport à un site très étoffé graphiquement et techniquement, mais dont le contenu ne provoque pas de « Halo Effect ».

Pouvez-vous nous citer un exemple marocain en ce sens afin de mieux visualiser la portée de vos recommandations ?
L’exemple le plus flagrant est celui  du projet E-Parlement (initié de concert avec l’appui R&D du Soft Centre au Maroc). Ce système d’information et de gestion du Parlement marocain a récemment reçu la fameuse distinction « Arab Golden Chip Award 2011 ‘’ par la Fédération arabe des Associations IT : Ijma3. Cette distinction lui a été décernée dans la catégorie « Best Arabic Content ».
En effet, le contenu diffusé au niveau de ce canal numérique a la particularité d’être interactif et non plus uniquement communicatif du producteur d’information vers son récepteur. L’internaute marocain a ainsi la possibilité de pouvoir être au fait des travaux de chaque député, qui dispose d’une page (pour chacun d’eux) afin de discuter des sujets actuels quant à la gestion de la donne publique, gouvernementale et citoyenne. Nous passons donc d’une communication institutionnelle à une communication citoyenne, apportant ainsi la transparence totale sur l’état d’avancement des travaux législatifs.

ans le cadre de ce projet, l’information est concise au premier niveau (Who ? When ? Where ?), puis détaillée en second niveau (Why ? How ?), en temps réel. Elle permet ainsi d’apporter des réponses aux attentes et questionnements du moment sur le plan local. Le Parlement marocain devient ainsi un éditeur de contenu numérique local, via une structure journalistique combinant de manière synthétique les différents modes de consommation du contenu (écrit, image, son et vidéo). De par cette approche, le contenu est en adéquation avec son contenant et permet de répondre à des attentes locales. Cette même information permettant d’inverser la courbe de consommation numérique, puisque tout aussi consultée depuis l’étranger. Bien sûr derrière cette vitrine numérique, tout un dispositif de gestion du contenu, tel que présenté plus haut, a été mis en œuvre en Back-Office. Ce projet a réussi, puisque nous avions tout d’abord investi sur le dimensionnement du contenu avant d’entamer celui du contenant. En conclusion, pour aboutir à ce point d’équilibre, il faut retenir l’un des credo émis par le Soft Centre qui nous a accompagnés sur ce sujet : « C’est le choix du concept de l’information à diffuser qui doit nous guider dans le choix technologique du contenant ».

Source: Le Matin